Les plantations entre Jakarta et Bandung |
Leo
nous avait donné rendez-vous dans un village sur la route entre
Jakarta et Bandung. Avant de partir de Jakarta, Momon avait pris soin
de nous tracer un itinéraire « panoramique », en tentant
de nous faire éviter les endroits où le trafic était plus intense.
Peine perdue, le trafic est intense partout en Indonésie. On a bien
traversé des montagnes parsemées de villages et de plantations de
thé magnifiques, mais sitôt arrivé dans une agglomération
importante, la densité de la circulation étouffante nous
rattrapait.
Leo et cie |
Quand
on s'est arrêté à la station d'essence du village où on avait
rendez-vous, il s'est encore mis à pleuvoir dru. Leo est arrivé
complètement trempé avec sa grosse BMW R100, un sourire contagieux
collé dans la face. On a pris le temps de se restaurer un peu,
permettant à la pluie de s'estomper tranquillement, avant de
reprendre la route jusqu'à la résidence de Leo, dans les montagnes
tout près de Bandung.
Deniz à l'oeuvre, près de la cuisine |
Le
système électrique de la moto de Deniz s'était remis à faire des
siennes en quittant Jakarta et nous avions hâte d'arriver avant de
tomber en panne, bien qu'en compagnie de Leo je m'inquiétais un peu
moins : c'est un monsieur plein de ressources. Avec mon système
de charge qui ne fonctionnait qu'à moitié, on avait comme un
problème d'énergie qui circulait mal. Heureusement que Leo, sa
femme Rika et leurs deux enfants étaient là et nous accueillaient à
bras ouverts. Leur « maison » très confortable est très
spécialement conçue : le rez-de-chaussé est une grande pièce
ouverte consacrée aux motos et à la préparation d'expéditions,
agrémentée d'un coin salon accueillant et de la cuisine réservée
à Rika.
L'atelier dans le salon |
Au deuxième, 2 chambres sommaires mais confortables, une
salle de toilette et un coin télé, qu'on a jamais vu allumée. Le
tout est une structure de bois recouvert de bambou, assis sur de la
pierre cimentée d'un plus bel effet, situé à flanc de montagne
avec vue sur la ville et le volcan au loin, traversé d'une rivière
endiablée : décor enchanteur! Même si les réparations
prenaient un peu de temps, ça ne nous embêtait pas du tout.
Le coeur électrique de ma Marseillaise |
Il a
fallut trois jours pour que tout soit rentré dans l'ordre côté
mécanique. Les journée ont passé doucement et les ennuis se
réglaient de la même façon. Il fallait bien partir si on voulait
un jour rejoindre Bali. Et il y avait encore tant à voir sur Java.
Les communications ne fonctionnaient pour ainsi dire pas à la maison
dans la montagne. Chaque visite en ville, 8 km plus bas, devenait une
expédition planifiée. Une super batterie neuve pour Tesla, une
bobine d'alternateur refaite complètement pour ma Marseillaise, et
nous étions prêt à reprendre la route vers l'Est.
Avant de descendre dans le cratère de Bromo |
Notre
première étape, à Malang, était pour s'informer sur la meilleure
route à prendre pour se rendre au volcan de Bromo. La « meilleure
route » s'est avérée être aussi une extraordinaire aventure
de moto. Ce qui avait débuté par une jolie route de campagne
asphaltée, s'est transformé peu à peu en petite route cahoteuse de
montagne pour se terminer en une randonnée surréaliste dans
l'immense cratère de sable noir du volcan au repos.
Elle est oû la route? |
L'hôtel, simple
et convenable, situé sur la frange du cratère, disposait encore
d'une dernière chambre que nous nous sommes pressés d'accepté avec
joie, trempés que nous étions par l'averse quotidienne de
l'après-midi passé dans la brume qui s’engouffre au fond du
cratère. Pour savourer vraiment la magie de ce lieu mystique, il
faut se lever très tôt et grimper au sommet de la bouche du volcan
pour y admirer le lever du soleil.
La récompense des lève-tôt |
L'avant-midi se prêtait donc très
bien à la pratique follement amusante de la moto « hors
pistes » : la mer de sable noir, bien trempée par la
pluie, est vite devenue un immense terrain de jeu, idéal pour
s'amuser comme des enfants dans le « grand carré de sable ».
La pluie et le brouillard qui s'installe après le dîner, nous
obligeait presque à la sieste, et nous n'avons pas résisté.
Deniz s'amuse un peu dans le grand carré de sable |
Le
climat frais et très humide qui prévaut là-haut, à 2500 mètres,
contrastait agréablement d'avec la chaleur torride qui régnait une
fois redescendu.
Pendant
le trajet vers Yogyakarta, Leo avait contacté le chapitre local des
« Biker's Brotherhood » et nous y étions attendu.
Yogyakarta est une ville très « artistique », très
particulière pour les Indonésiens. La cité intérieur du Sultan
qui à résisté avec brio aux envahisseurs Deutch il y a longtemps,
demeure encore aujourd'hui vivante et vibrante.
Une jolie bande de motards qui vient de se lever |
Wisnu est le patron
d'une entreprise florissante qui remonte des Harley Davidson, et
l’attentionné mari d'Érika, une des plus célèbres artistes
peintres d'Indonésie. Elle fait de la peinture « naïve »
et a un carnet de commande démesurés. C'est aussi une motocycliste
et sa Harley est des plus originales, peinte de ses propres mains :
un véritable chef d’œuvre.
Le chef d'oeuvre d'Érika |
Ces deux là étaient fait pour vivre
ensemble. Pendant notre séjour à Yogyakarta, nous avons
littéralement été pris en charge par cette communauté singulière
qui gravite autour d'Érika et de Wisnu. Un petit essaim discret
d'hommes et de femmes pourvoit à tous leurs besoins dans leurs
nombreuses résidences dédiées aux différentes activités. Érika
et Wisnu ont même délaissé leurs obligations pour se faire une
randonnée en notre compagnie au temple de Borobudur et y prendre un
copieux petit-déjeuner au lever du soleil.
L'atelier de l'artiste en pleine production |
Quelqu'un venait nous
chercher à tous les soirs pour nous emmener partager le souper en
leur compagnie. Il nous a fallu insister sur notre agenda pour
quitter Yogyakarta, avec la promesse de garder contact.
Nous
approchions maintenant de Bali. Patrick, que j'ai connu dans de
sombres mais heureux sous-sols d'église, vit aujourd'hui à Bali
avec sa conjointe indonésienne Ari. Ari travaille pour une
prestigieuse agence de voyage balinaise. Ce sont eux qui nous ont
aidé à obtenir un visa indonésien de 2 mois, et qui nous
attendaient à Ubud, dans la magnifique résidence qu'ils louent
depuis plus de 2 ans maintenant.
Dans la bouche d'Ijen |
Ari nous avait fortement suggéré
et gentiment organisé un séjour au très chic « Ijen resort »
sur Java, tout près du volcan du même nom, et à quelques
kilomètres du traversier pour Bali.
Les cueilleurs de souffre |
Ébahi par tant de beautés nous
avons décidé d'y passer 3 jours et nous avons gravi les 3
kilomètres pour se rendre jusque dans la bouche de se cracheur de
feu assoupi mais encore très actif. Tout au long de l'ascension on
croise un défilé incessant de porteurs de souffre qui puisent le
minerais directement dans le fond du cratère et qui l'acheminent
jusqu'en bas en le portant sur les épaules dans des paniers de
fortune, le tout pour quelques misérables dollars par jour. Arrivé
en haut, la vision est spectaculaire et dramatique.
Le jardin qui jouxte notre petite résidence chez Patrick et Ari |
Ne
nous restait plus qu'à traverser le petit bras d'océan qui sépare
Java de Bali, et de poser nos béquilles de motos dans le paradis de
Patrick et Ari pour s'offrir un grand repos bien mérité. Il nous
restait 3 semaines de visa pour explorer l'île et organiser
l'expédition des motos directement à Montréal, puisque malgré
toutes nos tentatives et nos recherches il nous était impossible
d'obtenir des assurances nous permettant de circuler sur le bitume
nord-américain. Une véritable absurdité! Après avoir fait
pratiquement le tour du monde sans problèmes, impossible de revenir
à la maison sur nos montures.
L'entrée d'un temple balinais |
Sans compter qu'il nous fallait aussi
faire la demande d'un visa canadien pour Deniz avant de se pointer
aux douanes. Notre demande de résidence permanente nous a été
retourné au bout de 35 jours avec une lettre nous avisant que nous
avions utilisé une vieille version d'un certain formulaire, bien que
nous avons téléchargé tous les formulaires sur le site
d'immigration Canada. Un dossier à suivre.
L'entrée de l'oasis de Patrick et Ari |
L'oasis
que Patrick et Ari nous ont généreusement offert s'est avéré être
exactement ce dont nous avions besoin. Après plus d'un mois de
cacophonie indonésienne et de routes effrénées, démentielles,
nous rêvions d'un coin vert et tranquille, et c'est très
précisément ce que nous y avons trouvé. La jolie et confortable
maison d'invité qui jouxte la résidence principale, a été notre
havre de paix pendant notre séjour sur Bali. Patrick et Ari ont été
des hôtes parfaits : attentionnés, discrets, accueillants et
pleins de ressources aux moments opportuns. Encore une fois, la vie
nous offrait plus que ce dont nous avions besoin.
Deniz et son activité préférée après la moto |
Deniz
en a profiter pour s'offrir l'ascension d'un autre volcan sur l'île
voisine de Lombok et une escapade de quelques jours sur les petites
îles Gili. De mon côté, j'ai mis ce temps à profit pour découvrir
à moto les petites routes qui serpentes à travers les rizières
autours d'Ubud, et me suis remis assidûment à la pratique yogique,
l'endroit s'y prêtant tellement. Je devais aussi trouver un agent
pour l'expédition des motos et organiser notre retour vers
l'Amérique. Mais j'avoue que j'ai abusé, sans aucune culpabilité,
du moment de paresse qui était mis à ma disposition sans préavis.
Les motos prêtes à prendre la mer |
Une
fois le marché conclu avec Ruchiyat de TLS pour le transport des
bécanes, nous nous sommes concentré sur notre itinéraire à nous.
Nos recherches nous portaient à croire que Los Angeles serait le
meilleur endroit pour obtenir le visa de « visiteur »
requis pour Deniz. Le site du CIC (Citoyenneté et Immigration
Canada) nous permettait de faire une demande « en ligne »
et d'espérer avoir le visa dans un délai de 19 jours.
Nuit folle à Shanghai |
Après avoir
essuyé de nombreux refus à notre demande d'hébergement sur le
réseau Couchsurfing, Bruce et Valerie ont accepté de nous recevoir
dans leur somptueuse demeure à l'architecture espagnole typique du
sud de la Californie, située sur les collines de Glendale et nanti
d'une vue imprenable sur la vallée et la ville en contrebas.
La vue chez Bruce et Valerie |
La
compagnie aérienne China Eastern, à qui nous avions confié la
responsabilité de nous transporter jusque là, avait planifié un
départ de Bali à 3:30h du matin sans considérer le fait que
l'aéroport international de Bali est fermé la nuit jusqu'à 6:00h
du matin. Nous nous sommes retrouvés une bonne centaine de personnes
au comptoir de la compagnie avec des grands points d'interrogation
dans la face, plusieurs d'entre nous ayant des connexions de prévues
plus tard dans la journée à Shanghai. Compte tenu des circonstances
et contrairement aux autres expériences vécues avec un « fleuron »
canadien, le service de l'entreprise fût impeccable.
Décalage horaire dans le métro de Shanghai |
Notre horde fut
transportée pour quelques heures dans un chic hôtel à proximité,
logé, réveillé, restauré et ramené à l'aéroport pour le
décollage à 7:30h. Une fois arrivé à Shanghai notre groupe,
maintenant plus restreint, fut pris en charge de la même façon
attentionnée. Et nous passâmes une magnifique soirée à Shanghai,
en compagnie de nouveaux amis.es de fortune.
La célèbre plage de Santa Monica |
À
Los Angeles j’espérais, bien naïvement, pouvoir faire
« pression » pour accélérer les délais exigés par les
fonctionnaires canadiens pour émettre un simple visa. Je ne vous
exprimerai pas ici toute ma frustration face à cet état des choses
typiquement canadiennes, mais je me permet de vous dire que le Canada
est le champion incontestable de la procédure jurassique pour
émettre un simple visa à tous les ressortissants des pays qui
doivent en faire la demande. Une situation injustifiable et
incompréhensible en 2013.
Fonctionnaire canadien à Hollywood |
Malgré les déclarations contradictoires
sur leur site officiel, c'est un minimum de 30 jours qu'il faut aux
fonctionnaires canadiens pour émettre un bout de papier à coller
dans le passeport donnant la permission de franchir les portes du
pays. Même les conservateurs et protectionnistes États-Unis n'ont
mis que 24 heures pour accorder un visa de 10 ans à Deniz!
Donc
aussi bien profiter de cette occasion pour visiter le sud
californien, et de faire connaissance avec les américains les plus
avant-gardistes du pays. En Californie il fait beau, toujours beau.
Une Mustang décapotable s'imposait pour remplacer nos motos, et
parcourir la magnifique route #1 qui longe la côte-Ouest
californienne.
On a commencé par se rendre à San Francisco, chez
une amie d'enfance de Deniz qui a fait le choix de migrer ici pour
des raisons professionnelles évidentes : Maya est plus que
brillante dans le domaine de la robotique. Elle et Raffay, sont mari
pakistanais, habitent la banlieue de San Francisco, au cœur de
Silicon Valley.
Deniz et Maya |
Une heureuse coïncidence a voulu qu'ils avaient tous
les deux un voyage d'affaires de prévu dans les jours suivants.
Après avoir passé une joyeuse fin de semaine avec eux, ils nous ont
chargé de s'occuper des chats et de profiter de leur logement
pendant leur absence.
Il
nous restait encore beaucoup de temps à écouler pour permettre aux
bureaucrates ottawasiens de remplir leur feuille de temps. Nous avons
décidé de l'utiliser à bon escient en suivant la suggestion de
notre hôte Bruce en visitant les parcs de Yosemite et celui des
séquoias géants, un peu plus au sud.
La vallée de Yosemite |
Notre
séjour dans ces régions verdoyantes et majestueuses demeurera un
souvenir impérissable de notre grand voyage qui s'achève. La
splendeur grandiose des paysages et des routes que nous avons
parcourus, restera gravé dans nos mémoires encore longtemps.
Même pas bon pour faire du bois de chauffage... pfff! |
On
comprend aisément l'attrait du monde entier pour cette partie du
globe au climat et à la vie si agréable.
On
finit de passer le temps à San Diego, tout près de la frontière
mexicaine, une des villes américaines les plus sympathiques qu'il
m'est été donné de visiter.
Bien
que je me languis de revoir ma petite famille, j'ai l'impression que
le voyage a décidé pour moi que je devais absolument voir ce coin
du monde avant de retourner dans mon bled.
Au
plaisir d'être réuni avec tous ceux de mon pays que j'aime, et en
espérant pouvoir bientôt accueillir chez-nous tous ceux qui m'ont
accueilli pendant ce voyage qui ne prendra jamais fin.