11 janvier 2013

Du paradis jusqu'à Angkor


Mis-à-part les 6 jours passés à Kaş et à Bodrüm en juin, à mon retour en Turquie après mon opération, Deniz et moi n'avions pas rassasié notre besoin annuel de mer, d'eau salée, de plages, de baignades matinales, du paisible rythme de vie qu'imposent les stations balnéaires en dehors des périodes assiégées par les hordes de touristes en gougounes, speedo-bikini, parasols et matelas gonflables. Le début de l'automne, marqué par le stress et la frénésie attribuable à notre exile sud-asiatique, l'excitation de rouler à travers la jungle thaïlandaise, l'adaptation culturelle et culinaire, tout cela nous imposait une trêve, un temps d'arrêt pour digérer, pour assimiler.
Au moment de quitter Bangkok et notre ami Deaw, nous avions un sursis diplomatique inattendu qui nous permettait de divaguer sur une île paradisiaque,
de se tremper le popotin dans des eaux limpides et turquoises, en faisant route vers notre prochaine destination. Noël et le Nouvel An approchant rapidement, l'idée de passer cette étape annuelle incontournable dans une confortable cabane chauffée par le soleil le jour et bercé par le son des vagues le soir venu, nous apparaissait comme un excellent plan de rechange.
Cabanes à chauffage solaire

L'île de Koh Chang est située à plus de 300 km au sud-est de Bangkok, tout à côté de la frontière du Cambodge. C'est aussi un Parc National avec plusieurs autres îles environnantes de moindre importance, mais aussi moins développées. Quand viennent les longs weekends et les congés officiels, la faune urbaine de Bangkok y débarque en masse par le traversier qui relie l'île à sa province à toutes les heures. Ils y viennent surtout pour faire la fête en famille et sont mordus de karaoké. Les Thaïs, comme bien d'autres, aiment le tintamarre tonitruant. Il faut donc faire gaffe aux alentours quand on découvre un petit coin tranquille aux heures du jour, qui devient vite cacophonique le soir venu. Malgré quelques portions touristiquement surexploitées, la majeure partie de l'île, qui fait plus de 25 km de long, demeure assez relaxe.
Le spectacle ce jour-là
Le quai de Bang Bao et son phare

Le côté ouest de l'île est beaucoup plus prisé à cause des magnifiques coucher de soleil, LE plus beau spectacle journalier. Les eaux environnantes recèlent aussi des sites de plongée sous-marine assez extraordinaires pour que plusieurs centres de plongée aient pignon sur rue et navires amarrés, prêts à nous émerveiller. C'est encore rempli d'une multitude de poissons tropicaux dignes des aquariums les plus sophistiqués, mais pas pour très longtemps encore à cause de la surpêche qui sévit là aussi. Le soir venu, les bateaux de pêche, munis de puissantes rangées d'ampoules aux vapeurs de mercure, s'alignent au large pour tracer une brillante ligne verte de lumière pour attirer les poissons, et tout le reste, dans leurs filets. 
Prêts à se mouiller

Lorsqu'au matin nous traversons les environs en sens inverse pour aller plonger, la surface de la mer est couverte des détritus abandonnés par les ignorants sauvages de l'appât. Les morceaux de styromousse, bouteilles de plastique et autres déchets toxiques flottent lugubrement, témoin du carnage nocturne. Les courants finissent tant bien que mal à pousser ça sur les rives avoisinantes laissant le reste intoxiquer la faune et la flore agonisante. Triste inconscience!
L'unique route asphaltée ne fais pas encore le tour de l'île et transforme la visite de la côte-est en une petite expédition journalière. Les quelques plages qu'on y trouvent sont difficiles d'accès, mais donnent l'impression d'être un Robinson tellement elles sont désertes quand on s'y aventure. Avec nos supers motos ces excursions devenaient un pur plaisir.

La route qui mène à la plage déserte
Sentier dans la jungle

Qui dit hameau au bord de l'eau, dit aussi bouiboui sans contredit. C'est donc en lunchant chez “Panid”, incontestablement le meilleur bouiboui de Koh Chang, que j'entendis le jeune couple attablé à côté de moi, parler avec un accent que je reconnaîtrai jusqu'à ma mort: des québécois! Ah ben simonac! C'est l'boutte d'la marde! Ça a pas été long qu'avec Julie et David on s'parlait des vraies affaires. Après avoir jasé un brin de voyage et de nos projets, on s'est tout de suite promis de se r'trouver plus tard. Tout l'long du restant de notre séjour, j'pense qu'y pas une journée qu'on s'est pas vu. 
Un 5 à 7 mémorable
On a fait des super rides de motos, des excursions de kayak ent' gars, en couple, les filles ont faite une journée d'filles (???), on s'est offert un souper d'Nouelle su a beach, mais surtout, de nombreux 5 à 7 à s'pâmer su'l soleil qui s'couche, avant d'aller souper chez “Panid”. 
La journée de kayak en couple

Les grands esprits se rencontre chez Panid

Même qu'on s'téléphonait de temps en temps pour prendre un thé! Du ben bon monde! Eux autres sont partis entre Noël pis l'jour de l'An pour Bangkok avant d'aller au Laos. L'île est devenu un peu plate après ça, fait que moi pis Deniz on est parti le 31 à Tratt pour passer l'jour de l'An. Même le paradis, on finit par s'en lasser à la longue. La vie insulaire était devenue restreignante pour les nomades que nous sommes.
On a eu un peu de troubles avec le proprio des cabanes où on restait avant de partir. A même fallu se rendre à la police pour régler ça! Mais j'vous raconte pas tout ça maintenant! C'est une histoire triste.
La frontière Thaï

On trouvait Tratt ben plate aussi en arrivant, mais on a fini par trouver le “night bazar” du jour de l'An: gros show, méga fiesta! Le lendemain on a aussi découvert plein de p'tits spots cafés-restos sur une p'tite rue sympathique et on a décidé de rester une journée de plus avant de traverser la frontière du Cambodge. 
Route "interrompue" par une rivière et son pont pour la traverser

On était un peu craintif par c'qu'on lisait sur les douaniers cambodgiens. On avait pris la précaution de demander les e-visas par internet. Les rabatteurs et les petits arnaqueurs sont comme des mouches à marde après les touristes qui traversent: taxis, faux visas, quarantaine, etc... Ils sont même de connivence avec les douaniers pis il faut insister un peu pour pas s'en faire passer une vite. C'est pas des sapins c'est des palmiers qu'y passent!
Mais en lisant sur les forums de voyageurs on découvre les p'tits trucs pour leur couper sec les p'tites entourloupettes. 
Construction hydroélectrique sino-cambodgienne
Pour les motos ils ont même pas regardé nos papiers, rien, même pas pris les numéros de plaques en note! Comme on pensait que ce serait plus long, on avait décidé de passer la nuit dans la petite ville de Koh Khrong, à 6 km de la frontière. Sinon il fallait faire encore 150 km avant de se rendre à la première ville. Plutôt que de partir vers le sud, la mer et la plage, encore, on a opté pour la jungle. Sur des petites routes de garnotte qui traversent (pas toutes) des rivières et des montagnes, on voulait se rendre jusqu'à Battambang. 
Belle route de garnotte rouge

On a dû faire des grands détours pour contourner les nouveaux barrages électriques que les chinois financent pour augmenter leurs approvisionnements en énergie toujours croissants. En sortant de la jungle épaisse, dans le premier “village”, encore à une centaine de kilomètres de notre objectif, ma moto refuse de redémarrer: problème électrique. Il est 5h½ et le soleil baisse vite. Avant de trouver tout c'qu'y faut pour me “booster”, (et après une longue journée tape-cul) la seule “guesthouse” du village est juste en face de nous et les gens sympathiques qui essayent de nous aider tant bien que mal, finissent par nous convaincre de s'arrêter là pour aujourd'hui. 
La classe d'anglais

Un jeune cambodgien qui nous a aidé et qui parle assez bien l'anglais, s'entend avec nous pour se retrouver dans une heure, après avoir donné son cours d'anglais aux enfants. Le petit local qui sert de classe est juste à côté de notre “guesthouse”, et les enfants sont ravis d'avoir des vrais “farangs” pour pratiquer un peu. J'ai mis la batterie sur la charge toute la nuit et après un simple repas on a vite sombré dans les bras de Morphée. Au matin ma moto démarre au quart de tour et pour se rendre jusqu'à Battambang on a décidé de prendre les routes plus fréquentées, histoire d'avoir des ressources si la panne survenait encore. 80 kilomètres de route de garnotte poussiéreuse rouge ça laisse des traces! Notre linge avait changé de couleur! Et nous autres aussi.
Angkor wat au lever du soleil, oui oui, au lever.

Arrivé à Battambang la ville était agréable, sans plus. L'hôtel où on a posé nos pénates nous offrait une chambre immense et lumineuse avec une jolie terrasse sur le toit. J'ai contacté Roger pour avoir une idée de l'étendue du problème après mes propres investigations. Jusqu'à hier encore je pensais que le problème était réglé, mais la panne est revenue en rentrant à l'hôtel hier.
Angkor wat au coucher du soleil

Après trois jours à Battambang, on s'est dit qu'on pouvait se rendre jusqu'à Siem Reap, la ville à côté du site archéologique des temples d'Angkor, et s'y poser le temps de voir si on peut continuer sans craindre les ennuis.
Le site des temples d'Angkor est un des plus célèbres endroits au monde reconnu comme patrimoine mondial par l'UNESCO. La petite ville de Siem Reap est assiégée par les touristes de tous les pays confondus, et connaît un essor constant, démesuré. Les “épiceries” bourrées de produits étrangers de luxe, les restos et cafés en tout genre, le nombre faramineux d'hôtels de grand luxe au plus simple dortoir, tous les voyageurs y trouvent leurs comptes.
Un moment fort de la visite du temple Ta Prohm

Le site des temples est situé à environ 5-6 km de la ville et on y accède par de bucoliques petites routes à travers la campagne cambodgienne. Malgré la quantité astronomique de touristes qui y viennent, le site est tellement immense et les temples grandioses, qu'on a pas trop l'impression du “cirque”, comme aux pyramides en Égypte. Bien sûr il y a trop de “tuk tuk”, et leur incessante sollicitation devient vite agaçante, voir irritante, mais la beauté de l’œuvre fait vite ignorer se désagrément.
Le petit côté évocateur de Ta Prohm

Il faut parfois parcourir quelques kilomètres pour se rendre d'un temple à un autre et la diversité architecturale des différents édifices ébahit à chaque découverte. Les nombreux films tournés autour de ces lieux naturellement évocateurs contribuent à stimuler l'imagination, à provoquer une gamme d'émotions des plus diverses.
Notre séjour à Siem Reap s'achève et nous partons demain pour Phnom Penh, la capitale, en faisant un escale à Kampong Thum. Nous voulons nous arrêter au site de Roluos en passant et visiter le village flottant de Kampong Phulk, sur les berges du lac Tonlé Sap. Les routes cambodgiennes sont un défi à tous les niveaux. Mais le plaisir n'en est que plus grand. En espérant que les ennuis mécaniques ne deviennent pas plus graves, mais encore là, ce ne serait qu'un autre défi. Et avec Roger à Montréal et Deaw à Bangkok j'ai confiance de pouvoir résoudre à peu près n'importe quel difficulté. Heureusement que dans la vie il y a les amis. Prenez soin des vôtres!
Le Capitaine Popov au repos