Mis-à-part
les 6 jours passés à Kaş et à Bodrüm en juin, à mon retour en
Turquie après mon opération, Deniz et moi n'avions pas rassasié
notre besoin annuel de mer, d'eau salée, de plages, de baignades
matinales, du paisible rythme de vie qu'imposent les stations
balnéaires en dehors des périodes assiégées par les hordes de
touristes en gougounes, speedo-bikini, parasols et matelas
gonflables. Le début de l'automne, marqué par le stress et la
frénésie attribuable à notre exile sud-asiatique, l'excitation de
rouler à travers la jungle thaïlandaise, l'adaptation culturelle et
culinaire, tout cela nous imposait une trêve, un temps d'arrêt pour
digérer, pour assimiler.
Au
moment de quitter Bangkok et notre ami Deaw, nous avions un sursis
diplomatique inattendu qui nous permettait de divaguer sur une île
paradisiaque,
de
se tremper le popotin dans des eaux limpides et turquoises, en
faisant route vers notre prochaine destination. Noël et le Nouvel An
approchant rapidement, l'idée de passer cette étape annuelle
incontournable dans une confortable cabane chauffée par le soleil le
jour et bercé par le son des vagues le soir venu, nous apparaissait
comme un excellent plan de rechange.
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Cabanes à chauffage solaire |
L'île
de Koh Chang est située à plus de 300 km au sud-est de Bangkok,
tout à côté de la frontière du Cambodge. C'est aussi un Parc
National avec plusieurs autres îles environnantes de moindre
importance, mais aussi moins développées. Quand viennent les longs
weekends et les congés officiels, la faune urbaine de Bangkok y
débarque en masse par le traversier qui relie l'île à sa province
à toutes les heures. Ils y viennent surtout pour faire la fête en
famille et sont mordus de karaoké. Les Thaïs, comme bien d'autres,
aiment le tintamarre tonitruant. Il faut donc faire gaffe aux
alentours quand on découvre un petit coin tranquille aux heures du
jour, qui devient vite cacophonique le soir venu. Malgré quelques
portions touristiquement surexploitées, la majeure partie de l'île,
qui fait plus de 25 km de long, demeure assez relaxe.
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Le spectacle ce jour-là |
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Le quai de Bang Bao et son phare |
Le côté ouest
de l'île est beaucoup plus prisé à cause des magnifiques coucher
de soleil, LE plus beau spectacle journalier. Les eaux environnantes
recèlent aussi des sites de plongée sous-marine assez
extraordinaires pour que plusieurs centres de plongée aient pignon
sur rue et navires amarrés, prêts à nous émerveiller. C'est
encore rempli d'une multitude de poissons tropicaux dignes des
aquariums les plus sophistiqués, mais pas pour très longtemps
encore à cause de la surpêche qui sévit là aussi. Le soir venu,
les bateaux de pêche, munis de puissantes rangées d'ampoules aux
vapeurs de mercure, s'alignent au large pour tracer une brillante
ligne verte de lumière pour attirer les poissons, et tout le reste,
dans leurs filets.
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Prêts à se mouiller |
Lorsqu'au matin nous traversons les environs en
sens inverse pour aller plonger, la surface de la mer est couverte
des détritus abandonnés par les ignorants sauvages de l'appât. Les
morceaux de styromousse, bouteilles de plastique et autres déchets
toxiques flottent lugubrement, témoin du carnage nocturne. Les
courants finissent tant bien que mal à pousser ça sur les rives
avoisinantes laissant le reste intoxiquer la faune et la flore
agonisante. Triste inconscience!
L'unique
route asphaltée ne fais pas encore le tour de l'île et transforme
la visite de la côte-est en une petite expédition journalière. Les
quelques plages qu'on y trouvent sont difficiles d'accès, mais
donnent l'impression d'être un Robinson tellement elles sont
désertes quand on s'y aventure. Avec nos supers motos ces excursions devenaient un pur plaisir.
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La route qui mène à la plage déserte |
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Sentier dans la jungle
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Qui
dit hameau au bord de l'eau, dit aussi bouiboui sans contredit. C'est
donc en lunchant chez “Panid”, incontestablement le meilleur
bouiboui de Koh Chang, que j'entendis le jeune couple attablé à
côté de moi, parler avec un accent que je reconnaîtrai jusqu'à ma
mort: des québécois! Ah ben simonac! C'est l'boutte d'la marde! Ça
a pas été long qu'avec Julie et David on s'parlait des vraies
affaires. Après avoir jasé un brin de voyage et de nos projets, on
s'est tout de suite promis de se r'trouver plus tard. Tout l'long du
restant de notre séjour, j'pense qu'y pas une journée qu'on s'est
pas vu.
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Un 5 à 7 mémorable |
On a fait des super rides de motos, des excursions de kayak
ent' gars, en couple, les filles ont faite une journée d'filles
(???), on s'est offert un souper d'Nouelle su a beach, mais surtout,
de nombreux 5 à 7 à s'pâmer su'l soleil qui s'couche, avant
d'aller souper chez “Panid”.
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La journée de kayak en couple |
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Les grands esprits se rencontre chez Panid |
Même qu'on s'téléphonait de temps
en temps pour prendre un thé! Du ben bon monde! Eux autres sont
partis entre Noël pis l'jour de l'An pour Bangkok avant d'aller au
Laos. L'île est devenu un peu plate après ça, fait que moi pis
Deniz on est parti le 31 à Tratt pour passer l'jour de l'An. Même
le paradis, on finit par s'en lasser à la longue. La vie insulaire
était devenue restreignante pour les nomades que nous sommes.
On
a eu un peu de troubles avec le proprio des cabanes où on restait
avant de partir. A même fallu se rendre à la police pour régler
ça! Mais j'vous raconte pas tout ça maintenant! C'est une histoire
triste.
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La frontière Thaï |
On
trouvait Tratt ben plate aussi en arrivant, mais on a fini par
trouver le “night bazar” du jour de l'An: gros show, méga
fiesta! Le lendemain on a aussi découvert plein de p'tits spots
cafés-restos sur une p'tite rue sympathique et on a décidé de
rester une journée de plus avant de traverser la frontière du
Cambodge.
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Route "interrompue" par une rivière et son pont pour la traverser |
On était un peu craintif par c'qu'on lisait sur les
douaniers cambodgiens. On avait pris la précaution de demander les
e-visas par internet. Les rabatteurs et les petits arnaqueurs sont
comme des mouches à marde après les touristes qui traversent:
taxis, faux visas, quarantaine, etc... Ils sont même de connivence
avec les douaniers pis il faut insister un peu pour pas s'en faire
passer une vite. C'est pas des sapins c'est des palmiers qu'y
passent!
Mais
en lisant sur les forums de voyageurs on découvre les p'tits trucs
pour leur couper sec les p'tites entourloupettes.
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Construction hydroélectrique sino-cambodgienne |
Pour les motos ils
ont même pas regardé nos papiers, rien, même pas pris les numéros
de plaques en note! Comme on pensait que ce serait plus long, on
avait décidé de passer la nuit dans la petite ville de Koh Khrong,
à 6 km de la frontière. Sinon il fallait faire encore 150 km avant
de se rendre à la première ville. Plutôt
que de partir vers le sud, la mer et la plage, encore, on a opté
pour la jungle. Sur des petites routes de garnotte qui traversent
(pas toutes) des rivières et des montagnes, on voulait se rendre
jusqu'à Battambang.
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Belle route de garnotte rouge |
On a dû faire des grands détours pour
contourner les nouveaux barrages électriques que les chinois
financent pour augmenter leurs approvisionnements en énergie
toujours croissants. En sortant de la jungle épaisse, dans le
premier “village”, encore à une centaine de kilomètres de notre
objectif, ma moto refuse de redémarrer: problème électrique. Il
est 5h½ et le soleil baisse vite. Avant de trouver tout c'qu'y faut
pour me “booster”, (et après une longue journée tape-cul) la
seule “guesthouse” du village est juste en face de nous et les
gens sympathiques qui essayent de nous aider tant bien que mal,
finissent par nous convaincre de s'arrêter là pour aujourd'hui.
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La classe d'anglais |
Un
jeune cambodgien qui nous a aidé et qui
parle assez bien l'anglais, s'entend avec
nous pour se retrouver dans une heure, après avoir donné son cours
d'anglais aux enfants. Le petit local qui sert de classe est juste à
côté de notre “guesthouse”, et les enfants sont ravis d'avoir
des vrais “farangs” pour pratiquer un peu. J'ai mis la batterie
sur la charge toute la nuit et après un simple repas on a vite
sombré dans les bras de Morphée. Au matin ma moto démarre au quart
de tour et pour se rendre jusqu'à Battambang on a décidé de
prendre les routes plus fréquentées, histoire d'avoir des
ressources si la panne survenait encore. 80 kilomètres de route de
garnotte poussiéreuse rouge ça laisse des traces! Notre linge avait
changé de couleur! Et nous autres aussi.
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Angkor wat au lever du soleil, oui oui, au lever. |
Arrivé
à Battambang la ville était agréable, sans plus. L'hôtel où on a
posé nos pénates nous offrait une chambre immense et lumineuse avec
une jolie terrasse sur le toit. J'ai contacté Roger pour avoir une
idée de l'étendue du problème après mes propres investigations.
Jusqu'à hier encore je pensais que le problème était réglé, mais
la panne est revenue en rentrant à l'hôtel hier.
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Angkor wat au coucher du soleil |
Après
trois jours à Battambang, on s'est dit qu'on pouvait se rendre
jusqu'à Siem Reap, la ville à côté du site archéologique des
temples d'Angkor, et s'y poser le temps de voir si on peut continuer
sans craindre les ennuis.
Le
site des temples d'Angkor est un des plus célèbres endroits au
monde reconnu comme patrimoine mondial par l'UNESCO. La petite ville
de Siem Reap est assiégée par les touristes de tous les pays
confondus, et connaît un essor constant, démesuré. Les “épiceries”
bourrées de produits étrangers de luxe, les restos et cafés en
tout genre, le nombre faramineux d'hôtels de grand luxe au plus
simple dortoir, tous les voyageurs y trouvent leurs comptes.
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Un moment fort de la visite du temple Ta Prohm |
Le
site des temples est situé à environ 5-6 km de la ville et on y
accède par de bucoliques petites routes à travers la campagne
cambodgienne. Malgré la quantité astronomique de touristes qui y
viennent, le site est tellement immense et les temples grandioses,
qu'on a pas trop l'impression du “cirque”, comme aux pyramides en
Égypte. Bien sûr il y a trop de “tuk tuk”, et leur incessante
sollicitation devient vite agaçante, voir irritante, mais la beauté
de l’œuvre fait vite ignorer se désagrément.
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Le petit côté évocateur de Ta Prohm |
Il
faut parfois parcourir quelques kilomètres pour se rendre d'un
temple à un autre et la diversité architecturale des différents
édifices ébahit à chaque découverte. Les nombreux films tournés
autour de ces lieux naturellement évocateurs contribuent à stimuler
l'imagination, à provoquer une gamme d'émotions des plus diverses.
Notre
séjour à Siem Reap s'achève et nous partons demain pour Phnom
Penh, la capitale, en faisant un escale à Kampong Thum. Nous voulons
nous arrêter au site de Roluos en passant et visiter le village
flottant de Kampong Phulk, sur les berges du lac Tonlé Sap. Les
routes cambodgiennes sont un défi à tous les niveaux. Mais le
plaisir n'en est que plus grand. En espérant que les ennuis
mécaniques ne deviennent pas plus graves, mais encore là, ce ne
serait qu'un autre défi. Et avec Roger à Montréal et Deaw à
Bangkok j'ai confiance de pouvoir résoudre à peu près n'importe
quel difficulté. Heureusement que dans la vie il y a les amis.
Prenez soin des vôtres!
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Le Capitaine Popov au repos |