Le printemps érable |
Au moment d'écrire ma dernière
chronique je n'avais aucune idée de l'aventure extraordinaire dans
laquelle j'allais plonger. Quand mon médecin, le Dr Yves Tremblay,
m'a soumit son plan en décembre dernier ça semblait tout simple.
D'abord une petite rencontre avec le Dr Latulippe pour lui soumettre
mon cas et lui demander s'il acceptait de m'opérer. Ensuite on
pouvait « rapidement » s'arranger pour avoir une salle
d'op et procéder. Quelques « dizaines » de jours de
rétablissement et hop je pouvais retourner finir ma convalescence
sous les soins attentifs de Deniz, qui elle en profitait pour
terminer ses devoirs en m'attendant. Le timing était parfait pour
tout le monde. J'avais juste fait abstraction des imprévus...
Rendez-vous fut pris avec Dr
Latulippe pour le 22 février et je réservai un billet qui me
ramenait à Montréal juste à temps pour le vingt-et-unième
anniversaire de Lili Rose, ma fille adorée, et tant qu'à faire pour
célébrer le dixième anniversaire d'une nouvelle vie de mon amie
Sylvie. Ma rencontre avec Dr Latulippe a été brève mais
concluante. Il s'agissait maintenant de synchroniser la disponibilité
de tous. Mon agenda à moi leur était dédié entièrement. Ça
devait, en théorie, être relativement simple...
Lili Rose prise en flagrant délit de conduite avec facultés affaiblies |
Tout le monde sait que fin-février /
début-mars, au Québec, c'est « la semaine » de relâche.
Et bien moi je ne m'en souvenais plus du tout! Donc, à tour de rôle,
mes médecins on pris une semaine de vacance bien mérité avec leur
famille. De fil en aiguille, le temps s'est mis à passer, dans
l'attente d'un appel officiel. J'en ai profité pour festoyer avec
plusieurs amis(es), à squatter chez les uns, cuisiner chez d'autres,
pour notre plaisir à tous. Mike et Eleni m'ont d'abord hébergé
pendant presqu'un mois. J'étais en terrain connu dans MON quartier
où j'ai passé les quinze dernières années de ma vie Montréalaise,
et en bonne compagnie. J'ai ensuite déménagé mes pénates chez mon
amie et agente Nicole qui habite maintenant tout près de l'hôpital
Santa-Cabrini, lieu où j'étais impatient à ce moment-là d'être
introniser.
Fin prêt |
Après 1 mois et demi à espérer le
téléphone de l'hôpital pour mon admission, j'ai commencé à faire
un puissant lobbying auprès des personnes concernées. À commencer
par Mme Thouin, la secrétaire du Dr Tremblay, que dis-je,
l'ineffable pilier du temple médical québécois. Avec son aide j'ai
usé de tout mes talents pour que mes deux artistes du scalpel entre
en communication dans des délais plus qu'expéditifs. Le vendredi 30
mars à 14h, au comble du lâcher-prise, j'étais attablé dans une
gargote indienne sur la rue St-Laurent, qui s'adonne à faire la
meilleure poutine au curry au monde, quand mon téléphone portable
de circonstance se met à résonner dans cet espace plus petit que
les WC de Céline Dion. Mme Thouin m'intime, avec autorité et
soulagement, de me présenter le dimanche qui vient pour procéder à
mon admission, suivit le lundi 2 avril de l'intervention. Elle n'a
même pas eu besoin de me dire d'apporter un pyjama.
J'ai besoin de préciser ici que c'est
la troisième fois de ma vie que j'allais célébrer mon anniversaire
de naissance dans une chambre d'hôpital. Je suis certain que peu de
gens peuvent revendiquer ce fait d'arme. Le début de toute cette
saga remonte en 1967-68, années où le monde médical est entré
dans mes entrailles et moi à l'hôpital pendant 6 mois, et ou j'ai
eu le temps de fêter mes 3 ans, bien que je n'en conserve aucun
souvenir. À mon vingtième anniversaire par contre, je me souviens
très bien du court séjour ou on m'a réséqué l'appendice. Que les
puissantes forces de l'Univers aient encore choisi ce moment
particulier pour effectuer un raid gastro-entérique sur mes boyaux
ne me surprend pas du tout.
Mon plombier préféré, le Dr Yves Tremblay |
C'est à partir de mon déménagement
de chez Nicole, à quelques coins de rues à peine de l'hôpital
Santa-Cabrini, que ma vie et mes tripes ont changé complètement.
Mes tripes surtout. Ma vie inévitablement. Le lundi, en fin
d'après-midi, j'étais dans ma petite jaquette, étendu sur une
« confortable » civière, dans le vestibule blafard du
bloc opératoire. Drs Latulippe et Tremblay, les pros du bistouri,
enthousiastes comme des judokas avant un combat, m'expliquèrent
brièvement mais précisément ce qu'ils entendaient faire comme
tatou dans mon anatomie, ce qu'ils espéraient y trouver et les
possibles dommages collatéraux. Une belle grande incision fut
pratiquée sur le côté gauche de mon popotin et ils appellent ça
la méthode « Karsky » : ça ressemble un peu à un
boucher polonais vous trouvez pas?
Par sécurité pour la suite de mes
aventures, Mme Thouin m'a obtenu la transcription du protocole
opératoire, la description précise des gestes qu'ils ont posés.
J'ai blêmi un peu en lisant ce court texte trois semaines plus tard.
À prime abord tout semblait s'être
passé de la meilleure façon possible. Les toubibs étaient tous
deux rassurés de leurs découvertes et confiants des résultats de
leurs agiles et savantes manipulations. J'ai passé une semaine
entière au sixième étage du chic Santa-Cabrini avec une vue
imprenable sur Montréal-Nord, dorloté par le personnel attentif, en
compagnie de la charmante maman octogénaire d'un célèbre
chroniqueur sportif québécois dont je tairai le nom. Le menu, par
contre, était ténu à l'extrême : que du liquide.
Ma charmante voisine |
À ma sortie de l'hôpital maman avait
« décidé » que j'irais commencer ma convalescence chez
elle, qu'elle serait mon infirmière particulière. Après quelques
jours seulement, douleurs anormales, enflure de la jambe gauche,
retours aux urgences pour une rencontre avec Dr Tremblay.
Diagnostique : infection. Comme j'ai un peu trop attendu...
(est-ce que moi j'aurais joué au « tough »?) une
batterie de tests s'imposent pour s'assurer qu'il n'y a pas d'autres
dommages. On m'administre une puissante dose d'antibiotiques et Yves
(le Dr Tremblay avec qui je suis devenu assez familier compte tenu de
la fréquence et de la teneur de nos rencontres) m'annonce que le
traitement durera une dizaine de jours au minimum et qu'il est
essentiel que je soit au bas mot une semaine sans médication avant
de penser à retourner vaquer à mes occupations. Impossible de
retourner en Autriche à la date prévue, je dois changer la date de
mon billet.
La vue de ma chambre au chic Santa-Cabrini |
Arrivé au bout du temps prescrit,
tout semblait être rentré dans l'ordre et j’envisageais avec joie
le retour « auprès de ma blonde ». Quatre jours sans
médication et PATATRA! les symptômes d'infections qui reprennent.
Cette fois, après consultation avec Yves, il est convenu que le Dr
Latulippe prendra le traitement en mains. Je serai admis à l'hôpital
Maisonneuve-Rosemont pour me faire installer un drain. Ce n'est
qu'une histoire de plomberie tout ça, quand on y regarde de près!
Pendant tout ce temps, Lili Rose est devenue mon chauffeur attitré
et je n'ai d'autres choix que de profiter (abuser?) encore de
l'hospitalité de mon ex belle-famille. J'ai tour à tour squatter le
charmant pied-à-terre de Lou & Luc, et (trop) souvent envahi le
petit logement de Suzanne et Lili Rose. J'ai aussi eu le privilège
d'aller passer quelques jours au chic domaine campagnard de Lou, Luc
et Danielle à St-Jacques-le-Majeur de Wolfestown, et l'immense
bonheur de partager un weekend avec ma grande amie Nathalie et maman
au chalet familial, sur les rives du lac Gravel.
Installation confortable chez maman |
Ayant « perdu » mon billet
de retour, puisque j'avais déjà exercé une fois mon option de
changement de date, il me fallait commencer à planifier un autre
scénario de retour. Deniz devait impérativement retourner en
Turquie pour présenter son mémoire de maîtrise et régler quelques
détails importants avant notre départ pour le grand voyage. Par
conséquent nous convenûmes de nos retrouvailles à Istanbul. Avouez
que c'est pas banal pour des retrouvailles amoureuses!
Retrouvailles tant attendues |
Ma dernière semaine à Montréal a été
très fertile en émotions. Tout à commencer par mon dernier
rendez-vous avec Yves, le chirurgien/plombier qui m'a tripatouiller
pendant dix ans et qui a réussi à jongler avec mon cas au travers
de notre système de santé tel un artiste du Cirque du Soleil. Au
moment du départ, notre sincère accolade m'a laissé les yeux tout
mouillés. On mettait peut-être fin à une relation « emmerdante »,
mais en espérant tout de même nous revoir pour des raisons plus
amicales qu'anales.
Pour ceux qui connaissent Bill &
Bob, vous savez que les « coïncidences » de la vie sont
souvent extraordinaires. Or, mon parrain Pierre et moi avions décidé
de nous récompenser mutuellement pour notre assiduité dans la
pratique de « l'humilité », ou de la sobriété à tout
le moins, lors de la réunion hebdomadaire du mercredi. Après un
joyeux repas entre consœurs et confrères je retrouve dans la salle
Martin, Martine, Nancy et France, qui doit nous livrer son savoir ce
soir-là. Le cœur tremblant, le creux de la paupière humide, ce fut
une soirée mémorable.
Festin organisé par le cartel montréalais de la famille Babin |
Et ainsi de suite tout le reste de la
semaine, à n'en plus finir : le thé chez Nicole, le souper
avec Alain, la soirée avec Gilbert, la croisade avec Jonathan et
Miguel de chez « Guru » jusqu'aux « Gates of
Hell », le banquet de départ aux parfums et arômes orientales
avec l'ex belle-famille, et jusqu'au brunch larmoyant avec Nathalie
avant de partir pour l'aéroport. Il était grand temps que je
retourne dans le tourbillon Turc pour m'y calmer un peu, m'enfouir
dans les creux de Deniz et guérir mes sutures dans l'eau salée de
la Méditerrané.
Activités de rétablissement dans un lieu agréable en bonne et belle compagnie |
Je vous réserve la suite pour dans
quelques jours à peine. Le temps de rentrer en Autriche et de
souffler un peu, pour commencer à digérer le retour dans cette
aventure palpitante qu'est la vie!