28 janvier 2012

L'interminable quête



Cette automne et en début d'hiver je suis allé fréquemment à Vienne. Je prends le train pour m'y rendre parce que de traverser les Alpes autrichiennes en moto à cette période de l'année, c'est un peu maso. Ça gèle à coup sûr là-haut et advenant une soudaine chute de neige impromptue, ma Marseillaise en prendrait pour son rhume, j'aurais moi-même vite fait de me retrouver figé, glacé dans une position tout à fait grotesque et cela seulement si les autorités nous laissais nous y aventurer, ce dont je doute très très fort.
Mes dernières escapades m'ont, de ce fait, amené à errer dans ces endroits qu'on appellent des « terminaux », un peu comme quand on arrive à la fin d'une maladie. Des lieux de transition, de transformation, qui inspirent immanquablement d'intenses réflexions. Ce sont d'abord des espaces immenses, des couloirs interminables, sculpté comme des insectes géants par des architectes pas piqué des vers, qui nous ramènent immanquablement à une dimension de fourmis,.
Gare de Marseille
Essayez de vous rappeler la dernière fois que vous avez pris le train, un bateau ou l'avion. Quels sentiments, pensées, émotions, vous sont d'abord montés au cœur, à l'esprit? Pour moi, c'est toujours comme si j'y vivais une petite mort, un changement intérieur, un espèce de rêve éveillé.
Pour commencer, il y a les personnages : la petite famille avec la poussette, le petit couple d'amoureux enfermé dans une bulle, l'homme d'affaire affairé, plongé dans son laptop ou son journal, la super nana bien fringué qui reluque les vitrines, le geek attardé qui semble alimenté électriquement par son jeu vidéo, le vieillard accompagné par sa fille ou son fils, quelques monsieur et madame tout le monde et l'éternel vagabond, le clochard d'office, qui fait semblant d'être occupé à chercher quelque chose.
Et puis, insidieusement, s'amorce la réflexion, le profond questionnement. On se met invariablement à penser au sens de la vie, s'il y en a un?
Un pont en Slovénie
Moi qui croyait, en voyageant à moto, avoir mis fin pour un bon bout de temps à mes fréquentations avec les aérogares/ports en tout genre, je n'imaginais pas renouer si rapidement et assidûment avec ces entonnoires à voyageurs. Et les réflexions de se bousculer dans l'espace restreint qu'occupe mon cerveau. J'ai l'impression que ma sédentarisation autrichienne temporaire y est pour quelque chose. Et qui dit sédentarisation dit routine. Et dans la routine j'ai oublié momentanément de continuer à vous raconter ce qui ne m'arrivait plus, ce voyage qui s'est mis à hiberner. Mais voilà que je réfléchis et me dit que c'est pour vous parler de moi que j'écris ici et que malgré votre « routine » vous voudrez bien me parler un peu de vous.

J'arrive d'un séjour merveilleux dans mon pays natal, rempli de surprises, de joyeuses rencontres avec les meilleurs(es) amis(es) du monde. Je vous raconte déjà la fin alors que je ne vous ai pas encore narré ce qui m'est arrivé au début de l'hiver.
Donc, quand novembre s'est pointé, je suis allé rendre visite à Aziyadé, à Marseille, une grande semaine de pur bonheur passée sur la côte de la Méditerrané chez cette grande dame, cette grande amie que le voyage m'a permis de connaître. Marseille demeure ma ville préférée et j'y ai, encore une fois, fais de nouvelles rencontres extraordinaires. Rien de tel pour sortir de la grisaille hivernale qui s'insinue doucement.

Au retour de Marseille, je n'arrive plus à me souvenir si c'est moi ou Graz qui avait changé. Deniz aussi était allé faire un tour à Ankara et nous nous sommes égarés au retour. Profondes remises en question, nous avons plongé tous les deux jusqu'à frôler l'abîme, invoqué ce qui semblait impensable quelques jours plus tôt. Pendant un mois nous avons tergiversé. Jusqu'au dernier moment, avant de prendre l'avion pour Montréal, Deniz n'était plus certaine et moi en peine. Au plus fort de la crise j'ai enfourché ma marseillaise et suis parti prendre l'air jusqu'à Trieste en Italie, faire du Couchsurfing dans une famille adorable qui a mis du baume sur mon cœur malmené. J'ai traversé Ljubljana, la capitale de la Slovénie, à -5°C en moto sous un épais brouillard, pour ensuite déboucher sur la côte italienne baignée d'un soleil réconfortant de ses 12°C. 
Petit village près de Trieste
À mon retour nous avons convenu de profiter agréablement de cette escapade prévue depuis longtemps et de décider plus tard. Ce retour parmi ma famille, ma tribu, mon univers d'il n'y a pas si longtemps, a lentement transformé cette période existentielle en une affirmation vibrante des sentiments qui nous ont réunis, Deniz et moi, dès le tout début.
Deniz à Montréal

Notre séjour en sol Québécois durant la période des fêtes est doucement devenu une célébration incessante et croissante de notre amour, mais aussi ponctué d'émouvantes retrouvailles avec presque tout ceux et celles qu'il me tardait tant de revoir après 18 mois de vagabondage sur cette toute petite planète. C'est confortablement hébergé dans la discrète et chaleureuse « boutique » des mes amis Luc & Lou, armé de la vigoureuse voiture de ma généreuse petite maman, que nous avons découvert ensemble les lieux de Montréal chers à mon cœur, et parti à la rencontre de mes potes qui habitent un peu plus loin. 
Cour de la "boutique"

Période des Fêtes oblige, il nous fallait trouver un moyen de revenir en Autriche sans que trop paraisse la bombance qui laisse généralement des traces. Pour ce faire, nous nous sommes inscrit à deux écoles de yoga chaud et avons pratiqué avec assiduité pendant la majeur partie de notre séjour. Les résultats nous poussent à continuer sur cette voie, voir même à souhaiter aller un peu plus loin. Le yoga étant une discipline aisément enseignable, nécessitant peu d'équipement et très prisé des gens qui fréquentent les lieux de villégiature, ça nous apparaît comme une façon agréable parmi d'autres de « travailler » tout en voyageant. Nos « brain storming » concernant les différentes possibilités pour entreprendre un voyage au long cours à deux commencent à donner aussi des résultats surprenants. On vous tiendra au courant des meilleurs idées retenues.

Mais la plus grande surprise m'est venue de mon chirurgien. Il m'a gentiment proposé de procéder sous peu à une intervention majeur mais sans heurt, qui mettrait un terme final à mes désagréments intestinaux bis annuels. En voilà une excellente nouvelle! Cette opportunité inespérée change considérablement mes plans à court terme. Je retourne donc au Québec dans peu de temps pour un intermède médical que j'espère bref, souhaitant ne pas trop empiéter sur la fenêtre printanière qui devrait nous propulser, Deniz et moi, dans une nouvelle aventure motocycliste enlevante.
Pour utiliser le temps qui doit passer à bon escient et laisser encore cette année la neige tomber, je me suis inscrit à une session intensive de 10 jours de méditation qui a lieu au sud de Paris, au centre Vipassana de Dhamma Mahi. Me revoilà dans un train, un avion, parti à la recherche de moi-même. Cette quête-là ne me semble pas près d'être terminée. Heureusement que j'ai beaucoup de temps à y consacrer.

À bientôt, mousaillons!

1 commentaire:

Guy a dit...

Bonjour Martin,

J'ai bien aimé ce texte que j'ai d'ailleurs relu plusieurs fois.

C'est que je m'identifie beaucoup à cette incessante quête...jamais assez fructueuse pour répondre à des attentes beaucoup trop grandes !

On aura sûrement l'occasion de développer...

Amitiés,

Guy