Cette automne et en début d'hiver je
suis allé fréquemment à Vienne. Je prends le train pour m'y rendre
parce que de traverser les Alpes autrichiennes en moto à cette
période de l'année, c'est un peu maso. Ça gèle à coup sûr
là-haut et advenant une soudaine chute de neige impromptue, ma
Marseillaise en prendrait pour son rhume, j'aurais moi-même vite
fait de me retrouver figé, glacé dans une position tout à fait
grotesque et cela seulement si les autorités nous laissais nous y
aventurer, ce dont je doute très très fort.
Mes dernières escapades m'ont, de ce
fait, amené à errer dans ces endroits qu'on appellent des
« terminaux », un peu comme quand on arrive à la fin
d'une maladie. Des lieux de transition, de transformation, qui
inspirent immanquablement d'intenses réflexions. Ce sont d'abord des
espaces immenses, des couloirs interminables, sculpté comme des
insectes géants par des architectes pas piqué des vers, qui nous
ramènent immanquablement à une dimension de fourmis,.
Gare de Marseille |
Essayez de vous rappeler la dernière
fois que vous avez pris le train, un bateau ou l'avion. Quels
sentiments, pensées, émotions, vous sont d'abord montés au cœur,
à l'esprit? Pour moi, c'est toujours comme si j'y vivais une petite
mort, un changement intérieur, un espèce de rêve éveillé.
Pour commencer, il y a les
personnages : la petite famille avec la poussette, le petit
couple d'amoureux enfermé dans une bulle, l'homme d'affaire affairé,
plongé dans son laptop ou son journal, la super nana bien fringué
qui reluque les vitrines, le geek attardé qui semble alimenté
électriquement par son jeu vidéo, le vieillard accompagné par sa
fille ou son fils, quelques monsieur et madame tout le monde et
l'éternel vagabond, le clochard d'office, qui fait semblant d'être
occupé à chercher quelque chose.
Et puis, insidieusement, s'amorce la
réflexion, le profond questionnement. On se met invariablement à
penser au sens de la vie, s'il y en a un?
Un pont en Slovénie |
Moi qui croyait, en voyageant à moto,
avoir mis fin pour un bon bout de temps à mes fréquentations avec
les aérogares/ports en tout genre, je n'imaginais pas renouer si
rapidement et assidûment avec ces entonnoires à voyageurs. Et les
réflexions de se bousculer dans l'espace restreint qu'occupe mon
cerveau. J'ai l'impression que ma sédentarisation autrichienne
temporaire y est pour quelque chose. Et qui dit sédentarisation dit
routine. Et dans la routine j'ai oublié momentanément de continuer
à vous raconter ce qui ne m'arrivait plus, ce voyage qui s'est mis à
hiberner. Mais voilà que je réfléchis et me dit que c'est pour
vous parler de moi que j'écris ici et que malgré votre « routine »
vous voudrez bien me parler un peu de vous.
J'arrive d'un séjour merveilleux dans
mon pays natal, rempli de surprises, de joyeuses rencontres avec les
meilleurs(es) amis(es) du monde. Je vous raconte déjà la fin alors
que je ne vous ai pas encore narré ce qui m'est arrivé au début de
l'hiver.
Donc, quand novembre s'est pointé, je
suis allé rendre visite à Aziyadé, à Marseille, une grande
semaine de pur bonheur passée sur la côte de la Méditerrané chez
cette grande dame, cette grande amie que le voyage m'a permis de
connaître. Marseille demeure ma ville préférée et j'y ai, encore
une fois, fais de nouvelles rencontres extraordinaires. Rien de tel
pour sortir de la grisaille hivernale qui s'insinue doucement.
Au retour de Marseille, je n'arrive
plus à me souvenir si c'est moi ou Graz qui avait changé. Deniz
aussi était allé faire un tour à Ankara et nous nous sommes égarés
au retour. Profondes remises en question, nous avons plongé tous les
deux jusqu'à frôler l'abîme, invoqué ce qui semblait impensable
quelques jours plus tôt. Pendant un mois nous avons tergiversé.
Jusqu'au dernier moment, avant de prendre l'avion pour Montréal,
Deniz n'était plus certaine et moi en peine. Au plus fort de la
crise j'ai enfourché ma marseillaise et suis parti prendre l'air
jusqu'à Trieste en Italie, faire du Couchsurfing dans une famille
adorable qui a mis du baume sur mon cœur malmené. J'ai traversé
Ljubljana, la capitale de la Slovénie, à -5°C en moto sous un
épais brouillard, pour ensuite déboucher sur la côte italienne
baignée d'un soleil réconfortant de ses 12°C.
Petit village près de Trieste |
À mon retour nous
avons convenu de profiter agréablement de cette escapade prévue
depuis longtemps et de décider plus tard. Ce retour parmi ma
famille, ma tribu, mon univers d'il n'y a pas si longtemps, a
lentement transformé cette période existentielle en une affirmation
vibrante des sentiments qui nous ont réunis, Deniz et moi, dès le
tout début.
Deniz à Montréal |
Notre séjour en sol Québécois durant
la période des fêtes est doucement devenu une célébration
incessante et croissante de notre amour, mais aussi ponctué
d'émouvantes retrouvailles avec presque tout ceux et celles qu'il me
tardait tant de revoir après 18 mois de vagabondage sur cette toute
petite planète. C'est confortablement hébergé dans la discrète et
chaleureuse « boutique » des mes amis Luc & Lou, armé
de la vigoureuse voiture de ma généreuse petite maman, que nous
avons découvert ensemble les lieux de Montréal chers à mon cœur,
et parti à la rencontre de mes potes qui habitent un peu plus loin.
Cour de la "boutique" |
Période des Fêtes oblige, il nous fallait trouver un moyen de
revenir en Autriche sans que trop paraisse la bombance qui laisse
généralement des traces. Pour ce faire, nous nous sommes inscrit à
deux écoles de yoga chaud et avons pratiqué avec assiduité pendant
la majeur partie de notre séjour. Les résultats nous poussent à
continuer sur cette voie, voir même à souhaiter aller un peu plus
loin. Le yoga étant une discipline aisément enseignable,
nécessitant peu d'équipement et très prisé des gens qui
fréquentent les lieux de villégiature, ça nous apparaît comme une
façon agréable parmi d'autres de « travailler » tout en
voyageant. Nos « brain storming » concernant les
différentes possibilités pour entreprendre un voyage au long cours
à deux commencent à donner aussi des résultats surprenants. On
vous tiendra au courant des meilleurs idées retenues.
Mais la plus grande surprise m'est
venue de mon chirurgien. Il m'a gentiment proposé de procéder sous
peu à une intervention majeur mais sans heurt, qui mettrait un terme
final à mes désagréments intestinaux bis annuels. En voilà une
excellente nouvelle! Cette opportunité inespérée change
considérablement mes plans à court terme. Je retourne donc au
Québec dans peu de temps pour un intermède médical que j'espère
bref, souhaitant ne pas trop empiéter sur la fenêtre printanière
qui devrait nous propulser, Deniz et moi, dans une nouvelle aventure
motocycliste enlevante.
Pour utiliser le temps qui doit passer
à bon escient et laisser encore cette année la neige tomber, je me
suis inscrit à une session intensive de 10 jours de méditation qui
a lieu au sud de Paris, au centre Vipassana de Dhamma Mahi. Me
revoilà dans un train, un avion, parti à la recherche de moi-même.
Cette quête-là ne me semble pas près d'être terminée.
Heureusement que j'ai beaucoup de temps à y consacrer.
À bientôt, mousaillons!
1 commentaire:
Bonjour Martin,
J'ai bien aimé ce texte que j'ai d'ailleurs relu plusieurs fois.
C'est que je m'identifie beaucoup à cette incessante quête...jamais assez fructueuse pour répondre à des attentes beaucoup trop grandes !
On aura sûrement l'occasion de développer...
Amitiés,
Guy
Publier un commentaire