Quatre mois en Turquie déjà! Je
commence à me sentir un peu plus Turc que Canadien. Mon vocabulaire
turc s'améliore rapidement, dû aux leçons particulières et
intimes de Deniz : on apprend vite avec la tête sur
l'oreiller...
Je commence aussi à avoir saisi
certaines façons de faire typiquement Turc. Ici, la notion de
protection du consommateur est inexistante. On va vous vendre
absolument tout ce que vous voulez, mais assurez-vous d'avoir
exactement ce dont vous avez besoin parce qu'une fois que vous avez
payé, impossible de se faire rembourser. Même, que dis-je, surtout
avec les grandes entreprises. J'ai chèrement payé ma première
expérience téléphonique avec VODAFONE.
Tout a mal commencé quand
ce « gentil » Turc m'a proposé de « m'aider »
au moment ou je suis entré en Turquie, à Iskenderun en avril. Bien
qu'il ait réussi à m'obtenir une carte SIM avec connexion internet
sans avoir besoin de mon passeport, ça n'a pas duré longtemps. Même
après avoir expliqué en long et en large aux différents préposés,
gérants et autre personnel incompétent, avec l'assistance d'autres
amis Turcs vraiment bienveillant ceux-là, j'ai bien faillit perdre
mon sang froid dans une boutique VODAFONE de Izmir. Sur le point de
faire intervenir la police pour escroquerie, j'ai soudainement repris
connaissance en me disant que ma sérénité valait bien les £200 TL
que j'avais déjà dépensé chez eux jusqu'à présent. VODAFONE est
une grosse multinationale de la téléphonie britannique qui me
rappelle étrangement une Bell du Canada. À cause du terrorisme
potentiel les autorités turques sont hyper procédurières en ce qui
concerne la téléphonie. J'ai donc refilé ma carte SIM VODAFONE
acquise par « l'ami » d'Iskenderun, à un type très
louche rencontré dans les bas fonds d'Istanbul en lui souhaitant de
grands succès dans toutes ses entreprises!
Technique de remorquage Turc |
Vous vous demandez sans
doute ce que je faisais dans les bas fonds d'Istanbul? Et bien
figurez-vous qu'après avoir garé ma Marseillaise à côté de dix
autres motos sur Taksim square, grande place au bout de la rue
piétonnière Istiklal, et être allé savourer un succulent repas en
compagnie de mon amoureuse, j'ai trouvé la grande place vidée de
tout ce qui avait deux roues. Après avoir demandé aux patibulaires
policiers, « éffouèrés » dans une quatre roues sur la
même grande place, ce qu'il était advenu de ma distinguée
française déguisée en allemande, j'ai appris qu'elle était en
téléportation vers une vulgaire fourrière. J'ai eu beau insister
qu'il n'y avait pas de panneau interdisant cette pratique du
stationnement sauvage, on m'a répondu avec un immense sourire
« C'est ça la Turquie! ». La-dite fourrière était sise
dans un quartier malfamé et nous y arrivâmes au moment même ou le
technicien de la remorqueuse la tenait suspendue au bout d'un bras
articulé et s'apprêtait à la déposer parterre. M'en suis tiré
pour £75 TL. Ça compensait pour toutes les fois ou je pratique le
stationnement sauvage (n'importe quel trottoir ou espace pas
nécessairement prévu à cet effet).
En plein coeur de la Turquie |
En Turquie on mange Turc. Vous me direz
« Ça va de soi! », mais je veux dire qu'on mange ce qui
pousse ici, ce qui vit ici, ce qui est produit ici. Mis à part
quelques rares petits produits importés, on trouve très peu
d'aliments provenants d'autres pays sur les tablettes des marchés,
sauf bien sûr si on va dans un méga supermarché.
Le meilleur petit-déjeuner! |
Même chose du
côté restauration : on trouve bien de temps en temps un resto
italien qui parvient à survivre mais LE resto chinois d'Ankara n'en
avait que l'apparence, jusqu'aux serveurs qui étaient assez
typiquement turcs, c'est tout juste s'ils ne portaient pas le fez.
Les sushis sont « trendy », mais rares, très rares, et
exorbitants. Même dans les grandes et grosses surfaces les fruits
et légumes se limitent à la production locale. Les Camenbert et
Brie français y sont introuvables! Par contre, elle est
extraordinaire cette production locale! Du thé, des oranges, des
abricots, à peu près toutes les sortes de noix imaginables, la
variété du climat et de la géographie sont telles qu'ils arrivent
à faire pousser à peu près n'importe quoi. L'ouest turc génère
les trois quarts de l'huile d'olive « Grec » que vous
achetez, par le même procédé que l'huile italienne qui provient de
la Tunisie. Le yogourt se décline ici dans une multitude de textures
et de saveurs toutes aussi délectables les unes que les autres,
servit à toutes les sauces, ou nature selon votre degré de
gourmandise. Question gourmandise, ceux d'entre vous qui ont la dent
sucrée seraient subjugués par la panoplie de baklava qui se
pavanent dans les vitrines, lequel, soit dit en passant, serait une
création Turque et non pas Grec, mais ce débat-ci dure depuis des
temps immémoriaux ...
Nous nous apprêtons donc à quitter
Ankara, et la Turquie ensuite, pour traverser les pays des Balkans et
nous rendre jusqu'à Graz, en Autriche, là où nous nous
installerons pour passer l'hiver qui vient.
J'ai parfois un peu
l'impression de quitter encore la « maison » tellement
j'ai passé de temps ici, tellement je m'y suis senti chez moi,
accueillit comme nul part ailleurs. J'ai comme l'idée que j'y
reviendrai encore et encore dans ce pays totalement envoûtant.
N'est-ce pas ici que toutes les routes se croisent, que l'occident
frôle l'orient, séparé seulment par un étroit canal ? Que les
cultures s'entrecroisent depuis la nuit des temps?
L'appel à la prière du matin qui résonne à travers toutes les villes ne me réveille plus, le thé, pris à tout moment, est devenu un essentiel de mon quotidien, et j'ai même la sensation que c'est mon père qui prend soin de moi quand le moustachu d'office me fait le kese et le massage au hammam hebdomadaire.
C'est sans doute signe qu'il est temps pour moi de reprendre la route ... et d'aller voir de quoi sont fait ses autrichiens, qui ont aussi eu leur moment de gloire avec Sissi, l'impératrice qui y a toujours un palais.
Auf Wiedersehen