17 août 2011

Les hammams


Venir en Turquie sans tenter l'expérience du hammam, ce serait comme d'aller au Canada sans goûter au sirop d'érable, ou en Italie sans manger des pâtes : impensable! J'ai voulu, pendant mon séjour ici, savourer cette pratique partout où c'était possible et je veux aujourd'hui vous partager mon expérience dans les différentes villes que j'ai visité, les installations et les services offerts variant grandement.
Commençons par la petite histoire : Dans sa forme actuelle, le hammam s'est développé dans l'empire ottoman, des pays du Maghreb jusqu'au Moyen-Orient (comme en Syrie) à la faveur de l'expansion de l'Islam. Le hammam fut en effet adapté aux préceptes de la religion musulmane qui préconise une hygiène méticuleuse et des ablutions régulières notamment avant les prières rituelles. Sa pratique a très certainement contribué à éviter dans cette partie du monde les épidémies de peste qui ont sévit en Europe à différentes époques.

Au fil, donc, de mes pérégrinations j'ai pu visiter des hammams de toutes catégories. Plusieurs ont été rénové avec succès, mais même ceux qui n'ont pas subit de cure de rajeunissement sont très « propres », malgré leur air vieillot, qui souvent, ajoute au charme de l'expérience.
Les hammams sont presque toujours situés aux alentours des mosquées, dans un petit recoin discret, presque caché.
Tous les hammams turcs, sans exception, sont recouverts du plus beau marbre blanc. Ne serait-ce que pour leur architecture, la visite d'un hammam nous donne l'impression d'entrer dans un temple.
À l'entrée, on nous assigne une cabine privé verrouillable où l'on pourra se dévêtir, équipé d'un petit lit où l'on pourra relaxer en sortant du « bain ».
Les hammams sont pourvus d'une salle principale au centre de laquelle trône une grande dalle de marbre qui devrait être chauffée. On peut s'y étendre à tout moment. La température de la salle y est généralement autour de 40°C. Un bon hammam aura une salle vapeur ET un sauna sec de type scandinave, certains étant aussi équipé d'un bain d'eau froide où on pourra plonger de temps en temps pour faire baisser notre température à un niveau tolérable et nous permettre de faire durer l'expérience. On peut, sinon, utiliser les ablutions en s'assoyant près d'une bassine de marbre munie de robinets nous permettant de contrôler la température de l'eau.
Après avoir musarder d'une salle à l'autre, et relaxer pendant une bonne heure, vient le moment des traitements supplémentaires; je vous recommande vivement de faire patienter les préposés empressés à vous prodiguer leurs soins, leur bienfaits étant plus appréciable à la fin du traitement. On commence par un « peeling ». Ici, on vous frotte avec un gant abrasif noir, qui vous décape de la peau « morte » qui recouvre le corps du fait qu'elle se régénère continuellement. La quantité de peau qui s'en détache est absolument phénoménale! À éviter, par contre, si vous avez pris un coup de soleil. Vient ensuite le massage au savon. À cette étape-ci, votre préposé vous infligera une douce torture, donnant l'impression de n'être qu'une pâte à pain pétrie avant d'aller au four. Ils utilisent pour ce faire du pur savon à l'huile d'olive qu'ils font mousser généreusement, pour ensuite vous rincer abondamment avant de vous envoyer sous la douche. Les préposés ne sont pas des maîtres en massage thérapeutique, mais ils savent très bien trouver les points sensibles de votre anatomie. Ils manipulent aussi eux-même votre pudique serviette pour leur permettre de vous traiter efficacement, sans gêne.
Au sortir du bain vous serez emmitouflé dans d'épaisses serviettes de la tête aux pieds, et inviter à déguster un breuvage de votre choix: une eau minérale gazéifiée et citronnée est appropriée pour rafraîchir et contribue à un apport de minéraux bénéfique après avoir suer autant, le thé est aussi très recommandable. Certains endroits offrent aussi des jus de fruits frais délicieux.
Les hammams situés dans les villes plus « touristiques » sont généralement décevants et plus dispendieux. Il y manque souvent la salle vapeur et la dalle centrale est plutôt tiède. Ce sont par contre les seuls permettant la fréquentation mixte, hommes et femmes, en même temps. Habituellement, soit il y a un hammam différent pour les femmes, soit il y a des heures ou des jours spécifiques où seul les femmes y sont admises.
Mes hammams préférés sont dans les villes de Mersin, Eskisehir et Ankara. Des endroits impeccables , des installations sublimes et des services attentionnés, pour une somme dérisoire : pour moins de £40 TLY (livres turques) ($25 CAD) tout inclus, massage, peeling et breuvages, j'ai eu la sensation de sortir de là tellement propre, léger et complètement béat...
J'ai aussi payé le double à Istanbul, dans un lieu supposément mythique, pour une bien piètre prestation. Il est assez difficile de trouver des masseurs(euses) thérapeutiques qualifiés en Turquie, alors ne vous attendez pas à quelque chose de sophistiqué de ce côté-là.
Ma nouvelle amoureuse trouve que j'ai la peau très douce. J'me fait donc un devoir de ne pas la décevoir et je fréquente assidument ces lieux magnifiques et bienfaiteurs, pour mon plus grand plaisir, et le sien bien entendu...
Ne manquez pas d'essayer ça quand vous en aurez l'occasion!


03 août 2011

Si belle la Turquie!



Il y a de ces rencontres qui arrivent comme un accident! VADABOOM! En plein cœur! Le choc nous laisse pantois pendant une période plus ou moins longue. Comme si une poutre de béton s’effondrait soudainement sur la route ;-). Et puis toutes sortes d'évènements se mettent à se bousculer au portillon et alors les petits plans sont complètement chambardés!
Patrick et moi avions décidé d'envoyer quelques demandes pour être hébergé chez un/une hôte CouchSurfer, le temps que l'ambassade d'Iran nous délivre les visas pour visiter leur beau pays. Plusieurs réponses positives et nous voilà à devoir faire un choix entre trois personnes qui semblent, à prime abord, tout aussi accueillantes les unes que les autres. Nous avons opté pour Deniz sans trop savoir pourquoi... Nous avons franchit sa porte en début d'après-midi et il faisait déjà 34°C à Ankara : pour moi la température est montée à 50° d'un coup! Deniz nous propose d’emblée d'aller faire une ballade de moto hors de la ville pour se rafraîchir un peu. À peine à une trentaine de kilomètres de la ville Patrick ne suit plus. Je roule lentement pendant un temps et quand je finis par m'arrêter, j'ai un message me disant qu'il retourne nous attendre à Ankara, qu'il a un malaise, vertiges, pas d'équilibre, conséquences d'une vieille « blessure ».
Deniz et moi poursuivîmes donc la route jusqu'à Beypazari, un petit village pittoresque au début des montagnes, à une centaine de kilomètres d'Ankara. Surpris et rafraîchit par un petit orage dont nous pouvions voir les éclairs s'approcher, nous nous sommes arrêtés dans un petit resto pittoresque de la vieille ville. Le temps aussi s'est soudainement arrêté. Nos conversations étaient tout de suite sincères, celles de deux amis de longues dates, animées de découvertes mutuelles passionnantes. En bref, une intense connexion venait de s'établir, relié comme deux pylônes d'une ligne de haute tension. C'est quand le soleil est revenu que nous avons réalisé que la pluie avait cessée depuis un bon moment déjà et que nous avions à peine le temps de rentrer à Ankara avant la noirceur, où Patrick nous attendait impatiemment.
Ce soir-là Patrick m'annonce qu'il ne partira plus avec moi : ses problèmes d'équilibre sont liés à son oreille interne qui fut endommagée dans le passé et qui rendent pour lui cette aventure impensable compte tenu des conditions routières à affronter dans certains des pays à traverser. Sans oublier de mentionner le fait que le Pakistan refuse net, pour l'instant, d'accorder des visas, même pour transiter.
Notre périple à deux s'arrête là! Il est reparti souffler un peu vers la mer Noire, à l'écart de la ville pour y attendre sa compagne avec qui il avait déjà planifié des vacances en Turquie.
Pour Deniz comme pour moi, notre rencontre était troublante, très troublante, à la façon d'un face à face à 150 km/h, un grand choc. D'un commun accord nous avons choisit de nous allouer un temps de réflexion. Mon visa pour l'Iran n'étant pas prêt avant le vendredi, j'ai mis Caliméro dans ma poche et enfourché ma Marseillaise vers une destination inconnue, roulé sauvagement à travers les montagnes, dans la boue au creux de rivières presque assèchées, à toute vitesse dans les plaines désertiques, pour ne pas sentir le tremblement intérieur à 25 sur l'échelle Richter.
J'ai abouti dans une auberge bucolique, à Safranbolu, où la tenancière m'a accueillit comme si nous avions été amis depuis de nombreuses années. J'étais épuisé, exténué. Son magnifique jardin était comme un havre de paix, son invitation à partager son repas, un autre témoignage de générosité spontanée. J'ai dormi dans la chambre confortable comme une pierre qu'on jette au fond de l'eau et qui n'en émergera que dans des siècles.

J'en ai profité pour faire quelques demandes d'hébergements sur CouchSurfer et au midi, avant de quitter Safranbolu, j'avais deux invitations : chez Sena et Grego, jeune couple très attachant et sympa comme ça se peut pas, une autre de Bengül, jeune femme dynamique avec qui j'ai passé la soirée en compagnie de ses amis(es) en assistant à un concert de jazz en plein air, avant d'aller chez Sena et Grego. Mes secousses s'estompaient doucement. Vendredi avant-midi j'avais dans mon passeport un visa me permettant d'aller visiter l'Iran pendant un mois.
Et tout à coup BAMMM! Un message de Deniz m'invitant à la revoir. Attablé dans un café ombragé, j'ai la gorge sèche, les yeux humides, les mains moites et elle me remet un petit mot qui ouvre entre nous un univers entier de possibilités, sème des haricots magiques dans mon cœur chambranlant.

Elle, a des plans, des obligations, il y a la vie qui continue. J'ai aussi des deadlines à respecter envers les autorités Turques : je suis en sol Ottoman depuis trois mois et je dois impérativement sortir du pays d'ici trois jours pour pouvoir renouveler mon droit de séjour. Elle doit se rendre à Istanbul pour une semaine afin d'y rencontrer sa famille, ses amis(es). On a fait un très long détour par des routes panoramiques pour se rendre jusqu'à Yalova prendre le traversier vers la rive européenne d'Istanbul, au coucher du soleil, sur la mer de Maramara. Plus romantique que ça, c'est dans des films qu'on voit ça...
Son compréhensif cousin Çoskun, un fervent amateur de moto, nous hébergera pour la semaine, mais je dois d'abord faire un saut hors des frontières. J'ai choisi la Bulgarie, en me disant que le poste frontière doit y être plutôt tranquille et qu'une nuit sur les rives de la mer Noires Bulgare serait des plus rafraîchissante.
J'ai littéralement avalé la superbe route des deux côtés de la frontière et le village de Tsarevo était absolument parfait pour une nuitée agréable. À une cinquantaine de kilomètres de la frontière Turque, au bout d'une petite route sinueuse couverte par les arbres, j'ai trouvé une chambre à quelques encablures de la mer, dans une communauté animée par les activités familiales estivales.
J'ai obtenu facilement et rapidement un nouveau visa de trois mois en repassant au même poste frontière que la veille, voir avec une certaine familiarité envers les douaniers.
J'étais pressé de revenir à Istanbul retrouver Deniz et nous ne nous sommes plus quitté d'une bobette depuis. Nous avons mis deux jours à revenir à Ankara en s'égarant sur les rivages spectaculaires mais bondés de la mer Noire.
Deniz, avant mon arrivée dans son décor, s'acharnait à terminer sa deuxième maîtrise, en philosophie celle-ci, sur la physique environnementale plus particulièrement. Elle s'apprêtait aussi à quitter Ankara et la Turquie afin d'aller remplir un engagement pour un ONG en Autriche, à titre de coordonnatrice volontaire rémunérée.
Et moi dans tout ça? Et bien je suis très amoureux et j'ai follement envie d'en profiter aussi longtemps que ça durera, de savourer ce présent de la vie qu'est l'amour, même au risque de souffrir plus tard.
Je n'ai pour l'instant qu'un visa me permettant de me rendre jusqu'en Iran avant de me cogner le nez sur les portes du Pakistan. Je dois donc envisager un itinéraire différent, d'autres moyen de nous rendre en Asie du Sud-Est. Je dis « nous » rendre parce que Deniz accepte/souhaite/désire poursuivre la route avec moi après avoir rempli ses engagements en Autriche. Ce qui nous donne amplement le temps de regarder toutes les options possibles tout en passant quelques mois en Europe à visiter nos amis(es) respectifs, éparpillés un peu partout dans les vieux pays. Pas du tout désagréable comme programme! J'en profiterai aussi pour me refamiliariser avec mes aptitudes à « Louer un mari », utilisant cette fois tout mon potentiel, me dévouant corps et âmes à cette entreprise...
En attendant de partir pour l'Autriche, je déguste les avantages d'être l'homme au foyer, je renoue avec la joie de cuisiner, aux plus grands plaisirs de Deniz qui peut se consacrer à sa tâche. J'ai aussi trouvé à Ankara le meilleur hammam de Turquie auquel je rend de fréquentes visites. Mes leçons particulières de Turc ont commencé. J'en serai donc très bientôt à ma quatrième langue.
N'ayez crainte, mon aventure ne s'arrête pas ici, elle ne fait que prendre un tournant inattendu. Mais n'est-ce pas là le propre de cette vie, de surprendre?