En quittant les plages de Dahab j'avais déjà commencé à ressentir les symptômes qui m'annoncent immanquablement un court séjour sur la table d'opération du gastro-entérologue le plus proche. Quand je suis descendu dans la vallée de Nueïba, pour trouver un petit coin tranquille pour passer la nuit, avant de m'embarquer sur le traversier qui me déposerait à Aqaba, en Jordanie, j'étais loin d'imaginer trouver le havre de paix sur lequel je me suis échoué un peu. Nueïba est située complètement au bout de l'Égypte, comme dans mon guide Lonely Planet. Les hôtels et campements bédouins sont aussi situés complètement au bout de la pointe de sable, à une dizaine de kilomètres du village.
J'ai d'abord cru que l'hôtel était fermé tellement il n'y avait personne. Puis j'ai fait la connaissance d'Hassan, un égyptien fier, sympathique, aguerrit au service touristique, mais en exil loin du Caire et de sa famille pour raisons d'affluence. Disons plutôt absence d'affluence...Nueïba est LA porte d'entrée/sortie entre l'Égypte et la Jordanie pour tous ceux qui veulent éviter de transiter par Israël : quand on a un tampon israélien dans son passeport on se voit refuser l'entrée d'une grande majorité de pays musulmans. Alors on prend le traversier à Nueïba qui nous mène à Aqaba sur les eaux du golfe du même nom.
Je me suis dit qu'en patientant un peu la douleur s'estomperait assez pour me permettre ensuite d’entreprendre la petite traversée maritime, environ 80 kilomètres, mais qui nécessite tout de même trois heures en temps normal. J'ai fini par passer trois jours à Nueïba, un peu à la manière d'un rastaquouère dans un roman de Marguerite Duras, à lire, écrire et dormir dans cet endroit désert, voir idyllique, n'eut été du fait que j'étais seul et souffrant. Au bout de trois jours je devais me rendre à l'évidence et admettre que seul un toubib pouvait me soulager et je partis donc effectuer cette mini-croisière qui me mena à Aqaba.
Le passage des formalités égyptiennes de sortie a été pratiquement aussi long et fastidieux que l'entrée au pays deux mois plus tôt, chacun des intervenants prélevant une petite somme pour le « service ».
La « ride » de bateau n'a effectivement nécessité que trois heures, mais il a fallut encore plus de deux heures, une fois arrivé, pour sortir du satané bateau et pouvoir finalement passer par les formalités jordaniennes, beaucoup plus simples et efficaces celles-là. Tout ça aura nécessité un journée complète et je n'avais parcouru que 80 kilomètres! Je suis allé directement à l'hôtel en espérant pouvoir dormir quelques heures avant de me présenter à l'hôpital.
Je n'avais pas encore pris le temps d'imprimer la traduction anglaise de mon dossier médical et j'ai donc dû faire lire le document à trois médecins/officiers directement à l'écran de mon ordinateur. J'ai été admis sur le champs et on m'a confortablement installé dans une chambre presque privée. L'hôpital est administré par les militaires. J'ai eu tôt fait de recevoir de fréquentes visites de tout le personnel de l'étage réservé aux hommes. Même le responsable de la sécurité est venu se présenter à moi et m'a gentiment permis d'utiliser la connexion internet wifi. J'ai donc subi ma petite intervention le soir même à 21h. Et ce n'est qu'à 11h le lendemain qu'ils ont consenti à me laisser partir, le tout pour une somme dérisoire. J'étais de nouveau prêt à repartir autrement...
Ma destination suivante est un incontournable : Pétra est aujourd'hui considéré comme la septième merveille du monde et je dois vous avouer que j'aurais même tendance à la placée avant la septième position. J'ai, en fait, beaucoup plus apprécié ce site que les grandes pyramides. On traverse d'abord un canyon long de deux kilomètres avant de déboucher sur une vallée, sculptée par la main des hommes il y a des milliers d'années, d'une beauté phénoménale.
La vallée est immense (cinq ou six kilomètres quand on la parcours dans tous les sens) et il faut absolument gravir (et redescendre) les huit cent trente-six marches pour aller admirer le monastère situé sur le sommet de la montagne : une vue à couper le souffle! J'ai passé deux jours dans la région et j'y ai fais des découvertes très agréables, des balades à moto mémorables. Parmi les cars de touristes très nombreux qui déversent leur flot de visiteurs de partout à travers le monde, sont débarqué deux petites familles de cousins(es) français(es) avec qui j'ai partagé l'appréciable sauna/hammam/massage offert par l'hôtel. J'ai continué, le jour suivant, d'emprunter le « chemin du roi » qui mène jusqu'à Amman, où je suis stationné depuis maintenant sept jours.
La Jordanie n'est pas un très grand pays et je peux aisément en explorer divers coins en partant à moto le matin et y revenir avant la tombée du soir. C'est ainsi que j'ai fait la rencontre d'Aurelius. Sur la route de Jerash, une moto EXACTEMENT pareille à ma Marseillaise, vient se coller à ma hauteur et le conducteur me fait des « babyes ». Comme il ne peut qu'arriver de la Syrie puisque nous n'en sommes qu'à quelques kilomètres, l'envie me prend de lui poser quelques questions et, pourquoi pas, partager un petit goûter entre motards ayant bon goût.
Aurelius est Suisse et c'est son premier voyage à moto; il est sur la route pour deux mois. Aurelius avait l'intention de passer la nuit à Jerash, mais le site ne prend que deux heures à visiter et le prix des deux hôtels du village est prohibitif. Je lui ai suggéré de rentrer avec moi à Amman qui est somme toute une ville relativement tranquille. La prochaine étape d'Aurelius était Pétra. Je l'ai invité à passer une journée de plus à Amman et nous en avons profité pour se faire une randonnée magnifique dans la vallée du Jourdain et le long de la Mer Morte. Nous sommes revenu à Amman en passant par le château de Karak. De la Mer Morte jusqu'à Karak il n'y a qu'une vingtaine de kilomètres, mais la Mer Morte est située à 400m en-dessous du niveau de la mer et Karak à 1000m au-dessus. Il faisait 27°C en bord de mer et 12°C près des remparts du château! Un chance que j'avais ma p'tite laine! Sur la route du retour une petite averse m'a rappelé que je n'avais pas reçu une seule goutte de pluie depuis trois mois et que les paysages verdoyants faisaient une agréable différence d'avec les étendues désertiques des derniers mois.
Aurélius est parti à Pétra et moi je vais tenter de traverser la Syrie demain. Les évènements dans ce pays m'incitent à ne pas souhaiter trop m'y attarder même si, en d'autres temps, cette contrée mérite de la découvrir. J'aurai ainsi assisté à la majorité des révolutions arabes et j'attends d'en être sorti complètement pour vous faire part de mes réflexions avec un peu plus de recul.
Je ne vous dirai jamais assez combien j'apprécie un petit mot ou un commentaire de votre part. Chaque fois que vous prenez le temps de m'écrire un petit quelque chose, c'est un peu comme si je recevais de votre part un immense cadeau qui me remplit de joie. Alors si en lisant mon récit vous avez sourit, vous pouvez me rendre la pareil simplement en m'écrivant un simple « bonjour Capitaine!».